LIMITE DE CHANDRASEKHAR



COURS D'ASTROPHYSIQUE (étoiles)

1. Étoiles

1.1. Genèse

1.1.1 Effondrement d'un nuage interstellaire

1.1.2. Rayons de Jeans

1.1.3. Temps de chute libre

1.1.4. Durée de vie nucléaire

1.2. Température interne

1.3. Température externe

1.4. Luminosité

1.4.1. Éclat

1.4.2. Magnitude apparente

1.4.3. Magnitude absolue

1.4.4. Etoiles variables

1.5. Parallaxe trigonométrique

1.6. Effet Doppler-Fizeau

1.6.1. Vitesse apparente

1.7. Limite de Chandrasekhar

1.7.1. Limite de rupture de rotation

Nous avons déjà déterminé dans le chapitre de Mécanique Classique le rayon de Schwarzschild (sous sa forme classique) qui exprime le rayon critique d'un corps pour que la vitesse de libération à sa surface soit égale à la vitesse de la lumière. Nous avions obtenu la relation ci-dessous qui exprimait typiquement le rayon que devrait avoir un astre donné pour avoir une vitesse de libération égale à celle de la lumière :

equation   (48.90)

Dans ce cas particulier l'astre est ce que nous avions appelé un "Trou Noir". Cependant, avant le trou noir, une étoile passe comme nous en avons parlé par plusieurs étapes intermédiaires par lesquelles elle peut d'ailleurs se stabiliser. Ainsi, vous avez du souvent lire dans la littérature que pour une naine blanche s'effondre en étoile à neutrons, que sa masse devait être supérieur à 1.4 masses solaire. C'est ce que nous allons démontrer maintenant.

Nous allons introduire le sujet sur l'étude de l'influence du principe d'incertitude sur la taille d'un système atomique (il en limite la dimension minimale). Cet exemple est fort puissant car il montre que le principe d'incertitude ne régit pas seulement le processus de la mesure mais aussi le comportement global des systèmes quantiques.

Le premier exemple que nous pouvons donner est celui de l'atome d'hydrogène, non que nous attendions un résultat nouveau de cette méthode d'analyse, mais plutôt parce que nous pouvons exposer l'usage du principe d'incertitude et insister sur sa signification.

Nous admettons que le proton, dont la masse l'emporte de beaucoup sur celle de l'électron, peut être considéré comme fixe. L'énergie de l'électron s'écrit :

equation   (48.91)

En physique classique, un système dont l'énergie est donnée par la relation précédente ne possède pas de minimum : si nous faisons tendre r vers zéro en conservant la forme circulaire de l'orbite, il est facile de voir que equation tend vers equation. En revanche, en physique quantique, cette limite n'a pas de sens : le principe d'incertitude s'y oppose.

Dans ce cas, la recherche du minimum equation de equation prend un sens, car une contrainte apparaît qui maintient ce minimum à une valeur finie. Elle se détermine en physique quantique (voir le modèle de Bohr de l'atome dans le chapitre de Physique Quantique Corpusculaire) et impose:

equation où equation   (48.92)

Cependant, cette relation mis à part, si le rayon de l'atome devient trop faible sous des contraintes extérieures (attention! nous nous affranchissons des orbites quantifiées du modèle de Bohr de l'atome qui impose une contrainte à p) la quantité de mouvement p de l'électron ne peut être inférieure à l'incertitude equation qu'impose le principe d'incertitude de Heisenberg, dès lors que equation est de l'ordre du rayon de l'atome. La forme même de la relation précédente limite la portée de la méthode : nous ne pouvons espérer déterminer mieux qu'un ordre de grandeur du minimum de equation.

Afin d'évaluer le minimum equation de l'énergie totale, que nous interprétons comme l'état fondamental de l'atome d'hydrogène, nous calculons le minimum de equation en éliminant p de l'expression:

equation par equation   (48.93)

Nous obtenons :

equation   (48.94)

Le rayon equation de l'atome dans l'état fondamental est la valeur de r qui donne à E(r) sa valeur minimale:

equation   (48.95)

si bien que:

equation   (48.96)

qui est l'expression bien connue du rayon de Bohr vue en physique quantique corpusculaire lors de l'étude du modèle de Bohr de l'atome. L'énergie equation de l'état fondamental est donc maintenant facilement calculable.

Le but de cet exemple est de montrer qu'avec le principe d'incertitude de Heisenberg nous pouvons par un raisonnement très simple retrouver l'état fondamental d'un système. C'est exactement de cette façon que nous allons procéder pour déterminer les conditions qui font qu'un astre se retrouve dans son état fondamental.

Attaquons maintenant à l'étude d'une étoile. Schématiquement celle-ci se compose d'un mélange de deux gaz: celui qui est formé de noyaux d'une part, le gaz électronique de l'autre.

Au cours de la vie de l'étoile, de nombreux processus de fusion ont eu lieu. Ils ont accru à chaque fois la taille et la masse des noyaux; FE (le fer) qui est abondant à la fin de la vie d'une étoile, contient en moyenne 56 nucléons (voir la partie physique atomique du site).

Ces noyaux sont de nature chimique ou isotopique variée. Comme ils sont peu nombreux en comparaison des électrons, leur pression est celle d'un gaz classique chargé, neutralisé par la présence des électrons: elle peut être ignorée, et ce d'autant plus que la température est nulle.

La charge électronique seule ne permettrait pas aux électrons de résister à l'effondrement d'une étoile puisque la matière stellaire est neutre. A très basse température, quand le carburant est épuisé, la seule pression que le gaz électronique puisse opposer à la pression hydrostatique due à la pesanteur est d'origine quantique.

En première approximation, les électrons exercent donc l'un sur l'autre une répulsion apparente qui n'est pas d'origine coulombienne (principe d'exclusion de Pauli). En première approximation, ils obéissent à une relation analogue à celle de l'électron atomique et qui s'écrit dans le cas minimal (ou maximal de pression) :

equation   (48.97)

equation est la distance moyenne qui sépare deux électrons voisins.

A température equation, l'équilibre est atteint quand l'énergie (la matière de l'astre) totale du système est minimale.

Que se passe-t-il si nous essayons d'évaluer la variation du rayon equation de la Naine Blanche en fonction de sa masse equation?

L'énergie potentielle gravifique d'une étoile est donnée en bonne approximation par (voir chapitre de Mécanique Classique) :

equation   (48.98)

equation étant approximativement donnée par:

equation   (48.99)

equation est la masse du proton et N le nombre de nucléons que contient l'étoile: la contribution des électrons à la masse de l'astre est négligeable et il n'y pas lieu de distinguer entre la masse du neutron et celle du proton, presque identiques.

La seconde contribution à l'énergie est essentiellement celle du gaz électronique dégénéré (la dégénérescence correspond à l'existence de plusieurs états ayant la même énergie), d'origine cinétique. Nous pourrions être tentés d'écrire simplement:

equation   (48.100)

Cette manière de faire conduit à une impasse. Si nous exigeons que la somme equation atteigne une valeur minimale, nous aboutissons à une valeur du rayon de l'étoile tellement faible que, par application de la relation equation la vitesse moyenne des électrons v dépasserait celle de la lumière!

Pour éviter cette contradiction, nous devons recourir à la mécanique relativiste qui nous a montré que, dans ce cas (cf. chapitre de Relativité Restreinte), nous pouvons exprimer l'énergie totale comme:

equation   (48.101)

si la valeur numérique de l'énergie cinétique l'emporte considérablement sur l'énergie de repos nous avons :

equation   (48.102)

et donc:

equation   (48.103)

La distance moyenne d entre électrons s'évalue en supposant que l'étoile est homogène, approximation suffisante dès lors que nous cherchons l'ordre de grandeur d'une moyenne. Nous simplifions encore la géométrie en admettant que chaque électron est entouré d'un domaine sphérique de rayon d dans lequel il n'y a pas d'autre électron de même spin et où nous ne pouvons compter qu'un électron de spin opposé. Dès lors:

equation   (48.104)

Il reste à évaluer le minimum de la somme:

equation   (48.105)

compte tenu de la condition :

equation   (48.106)

Il vient encore:

equation   (48.107)

puis:

equation   (48.108)

que nous écrivons finalement:

equation   (48.109)

Face à ce résultat, nous sommes confrontés à une situation inattendue :

Si le facteur:

equation    (48.110)

est positif, alors l'énergie totale de la naine blanche l'est aussi, ce qui signifie que le système n'est pas lié: l'étoile est totalement instable (elle n'a pas atteint son seuil d'énergie minimal). Elle ne peut réduire son énergie qu'en augmentant sans limite son rayon r.

Nous voyons que le facteur K est négatif si :

equation   (48.111)

Si la Naine Blanche dépasse cette masse alors nous ne pouvons plus traiter le problème avec les équations précédentes. Elle satisfait alors aux équations régissant un astre composé de neutrons uniquement (étoile à neutrons) et ceci constitue alors un autre problème que nous n'aborderons pas ici pour l'instant.

La masse (approximative) de la fameuse "limite de Chandrasekhar" est donc donnée par :

equation   (48.112)

Elle constitue la masse au-delà de laquelle une naine blanche s'effondre en étoile à neutrons.

Conventionnellement, les astrophysiciens associent cette valeur limite à un facteur multiplicateur de la masse du Soleil equation. Nous avons effectivement (numériquement) :

equation   (48.113)

Limite de rupture de rotation

Faisons l'hypothèse simplificatrice que la vitesse limite de rotation possible d'un astre (planète ou étoile) est celle qui équilibre la force centrifuge et force gravitationnelle à la surface de l'astre tel que nous soyons amenés à écrire (cf. chapitre de Mécanique Classique):

equation   (48.114)

Posé cette relation suppose évidemment qu'il n'y aucune liaison autre que la gravité qui intervient dans la cohésion interne de l'astre. Donc les valeurs de temps de rotation que nous allons obtenir représentent une borne supérieure (dans le sens que la valeur réelle est probablement plus petite).

Il vient alors de la relation précédente:

equation   (48.115)

Pour obtenir le temps de rotation auquel cela correspond il suffit de diviser par le périmètre à l'équateur:

equation   (48.116)

Ainsi, pour la Terre nous avons comme période de rotation limite avant rupture:

equation   (48.117)

Pour le Soleil:

equation   (48.118)

Maintenant considérons le cas du pulsar NP0532 qui a une rotation de 33 millisecondes. Nous souhaiterions en déterminer le rayon. Nous avons alors en utilisant les relations précédentes:

equation   (48.119)

En utilisant la relation théorique de la masse limite de Chandrasekhar (puisqu'un pulsar est une étoile à neutrons tournant rapidement sur elle-même):

equation   (48.120)

Nous avons alors pour le rayon de plus petit pulsar possible selon ces hypothèses:

equation   (48.121)

Avec le pulsar milliseconde PSR J1748-2446ad ayant une période de 1.39 millisecondes nous tombons alors sur:

equation   (48.122)

ce qui est remarquable (même s'il s'agit d'une approximation) de penser qu'une telle masse peut être contenue dans un si petit rayon. A noter que pour ce dernier cela correspond à une densité de:

equation   (48.123)